Un rêve inaccessible qui nous emplit les yeux de bonheur et d'espoir. Un désir à jamais inassouvi qui endort notre coeur dans l'amertume et le chagrin. Pourquoi ne peut-on pas avoir tout ce que l'on veut ? Pourquoi faut-il que la Vie décide pour nous de ce que l'on peut faire ou non ? Pourquoi... ?

Je ne le supporte plus. Je déteste cette joie que je lis sur les visages des autres, ces visages souriants que j'aurais parfois envie de défigurer à coups de poings et d'écrabouiller en un amas de chair sanguinolente. Effacer le bonheur de leur visage ! La jalousie me ronge et me démange, je ne comprends pas. Pourquoi moi ? Pourquoi PAS moi ? Qu'ont-ils donc de plus que moi ? Qu'est-ce que je peux bien avoir de moins qu'eux ? Penser que ce qui leur arrive ne m'arrivera jamais... que je ne connaitrai jamais ce plaisir extatique, sinon indirectement par procuration. C'est injuste !

D'accord, je ne suis peut-être pas la meilleure fille, soeur, copine ou petite amie qu'on puisse rêver. On peut même enlever le "peut-être" : je ne suis pas parfaite, loin de là. Bourrée de défauts, saturée de vices, je ne me prétends pas meilleure que les autres. Mais... mais... je ne suis peut-être pas pire non plus. Je n'ai pas commis de crime autre que le fait d'exister, je ne rends pas la vie insupportable aux personnes qui m'entourent (du moins pas toujours, enfin j'essaye), je n'ai pas vendu mon âme au diable et j'ai toujours été bonne élève à l'école. Alors quelqu'un pourrait-il me dire POURQUOI ?
          Pourquoi il reste au fond de moi cet arrière-goût d'inachevé qui me poursuivra sans doute toute ma vie ? Pourquoi je suis condamnée à la solitude forcée et que mon destin a déjà été scellé ? Emballé, c'est pesé ! Et tant pis si c'est mal fait, tant pis si ça fait mal, tant pis si ça ne convient pas à la pauvre petite mortelle censée se débrouiller comme elle peut avec le lot qui lui échoie. Tant pis pour elle ! De toute façon elle n'a pas le choix, on ne lui demande pas son avis, c'est comme ça. Exécution !

Et le pire, c'est qu'il est impossible de se rebeller, impossible de lutter, impossible de changer le cours des choses. Non pas par manque de volonté, d'envie, de temps ou d'autre chose, mais tout simplement parce que c'est impossible. Quoi que je fasse, il y aura toujours quelque chose qui me rapellera que cette vie parfaite est factice, artificielle, inventée, créée de toutes pièces. Pas vraiment à moi. Que je n'en suis ni l'origine ni le centre. Il y aura toujours un petit détail gênant, un chaînon manquant, un élément perturbateur qui viendra bouleverser la mécanique bien huilée de mon existence utopique. Et je ne pourrai pas l'ignorer ! Je ne pourrai pas fermer les yeux ! Je le saurai, je le verrai tous les jours, je devrai vivre avec et m'habituer à cette idée. Au choix que j'aurais fait un jour, au choix que j'aurais fait pour toujours. Mais quand je serai face à la croisée des chemins, lequel prendrai-je ?

Je devrai un jour ou l'autre, tôt ou tard, prendre une décision. Peut-être jamais, mais cela même me serait douloureux. Alors, quand ce dilemme vital s'imposera à moi, quand la Vie m'interrogera, qu'est-ce que je répondrai ? Aurai-je le courage de faire un choix ? De faire le choix qu'il faudra ? Aurai-je la force de trancher, de décider, d'accepter ? Accepter les contraintes du monde extérieur, l'intervention d'inconnus dans mon intimité la plus privée ? Ou bien saurai-je tendre la main, ouvrir mes bras et mon coeur pour faire mon propre bonheur et celui d'autrui ? Peur... doute... incertitude... tristesse... incompréhension... désespoir... Ce n'est pas juste. Parce qu'il faut bien faire avec.